Interview WALTER TROUT - 29 Octobre 2015 (@ Paris)
French Review Of "Battle Scars": here :)
Chronique "Battle Scars": ici :)
Walter Trout a débuté sa carrière musicale à la fin des années 60 comme musicien de session pour Percy Mayfield, Deacon Jones, John Lee Hooker ou Joe Tex
En 1981, il devient guitariste de Canned Heat avant de rejoindre les Bluesbreakers de John Mayall avec lesquels il jouera pendant 8 ans.
C’est en 1989 qu’il forme le Walter Trout Band et lance sa carrière solo. « Life in the Jungle » sort en 1990 sur Mascot / Provogue, label avec lequel il collabore toujours aujourd’hui. Avec une bonne vingtaine d’albums au compteur Walter est un « vétéran » de la scène blues / boogie, mainte fois honoré par différentes nominations et victoires à des cérémonies telles que les British Blues Awards ou les Blues Music Awards.
En juin 2015, 13 mois après une greffe du foie, il se produisait sur la scène du Royal Albert Hall (Angleterre)
Son nouvel album, "Battle Scars" est un témoignage de sa victoire sur la maladie, l'album de son retour et sa venue promo à Paris, l'occasion d'en savoir plus.
(Interview Tasunka)
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13 mois après ta transplantation du foie, le 15 juin 2015 a marqué ton retour sur scène au Royal Albert Hall (Angleterre) : un moment émouvant, certainement!
Oui, mon retour sur scène après des mois d’absence, au Royal Albert Hall (Angleterre), a été très émouvant pour moi : j’ai eu droit à trois 'standing ovations' juste pour deux morceaux joués (sourire attendri de sa part en y repensant). En fait, la première standing ovation a eu lieu avant même que je joue quoi que ce soit, simplement le fait que j’entre sur scène a suffi. Je pense que les gens étaient déjà contents de voir que j’étais là et tenais debout, la seconde a eu lieu quand j’ai interprété le premier titre et là, il se sont levés et ont applaudi, parce qu’ils se sont probablement dit: « il peut encore jouer » et la troisième 'standing ovation' est arrivée à la fin du second titre, je pense parce qu’ils ont vu qu'en plus, je pouvais vraiment encore bien jouer, comme avant.
Un nouveau bassiste, Johnny Griparic, a rejoint le Walter Trout Band, en remplacement de Rick Knapp, parti jouer avec le grand guitariste, Jimmy Thackery : tu peux le présenter ?
Il est arrivé pile avant l’enregistrement de « Battle Scars » et il apporte son talent, sa pèche et un bagage marquant puisqu’il a, entre autres, joué avec Slash, Richie Kotzen, Ace Frehley, Richie Sambora, Steve Lukather, Gilby Clarke, Billy Bob Thornton, Perry Farrell, Richie Kotzen, Uli Jon Roth…
Avant de recruter mon nouveau bassiste, Walter Trout Band, c’était un quatuor avec trois musiciens qui avaient le même but et un, moins, mais depuis l’arrivée de Johnny Griparic, c’est à nouveau quatre musiciens soudés, qui marchent à l’unisson.
« Battle Scars » a été enregistré à Los Angeles et sonne à merveille : c’est Eric Corne qui a à nouveau été aux commandes ?
Tout à fait, oui. Avec mon producteur de longue date, Eric Corne, on s’entend vraiment bien et le courant passe à merveille; il a toujours senti et compris ce que je voulais et c’est le cas pour « Battle Scars » qu’il a réalisé au mieux, captant ainsi l’esprit de ce que je voulais.
La pochette étant le premier contact avec « Battle Scars », la photo de ton visage en gros plan avec ta guitare, est réussie : elle reflète la profondeur de ton album.
Merci ! En fait, La photo de la pochette de « Battle Scars, c’est moi qui l’ai choisie et j’ai du lutter pour imposer ce choix, étant donné qu’un photographe avait fait déjà pas mal de photos de moi et le label (Provogue) avait arrêté son choix sur l’un des clichés, où j’étais chez moi, devant une fenêtre, ma guitare à la main en train d’avoir un large sourire en prenant la pose qu’il m’avait demandée, mais cette photo que le label avait choisie, ne me satisfaisait pas du tout, vu qu’elle ne reflétait pas le côté profond, sombre du propos de l’album, qui est un témoignage de ce que j’ai traversé et qui m’a vu frôler la mort et revenir. Quelques trois cents clichés avaient été faits, dont un que j’avais suggéré en gros plan qui mette les yeux en valeur, le regard de ce que j’avais traversé. Or, le label ni personne ne la voulaient justement cette seule et unique photo qui m’intéressait. En tenant bon, au final, elle est sur la pochette et ce qui est amusant, c’est que j’ai de très bons retours dessus; c’est drôle, d’un coup, tout le monde semble l’aimer.
Le titre « Battle Scars » est sobre et fort, lui aussi : il en dit long.
A ce sujet, un vétéran de guerre m’a écrit pour me dire que je n’avais pas le droit de nommer mon album comme ça, que je ne savais pas de quoi je parlais, que je n’avais pas souffert. Je lui ai répondu que même si je n’avais pas été enrôlé dans l’armée, ni fait la guerre, je suis d’ailleurs contre toute guerre, je lui ai donc dit que les cicatrices pouvaient être aussi douloureuses et de toutes sortes, qu’elles soient physiques, une blessure de cœur, une souffrance mentale ou autre: la souffrance et les cicatrices d'où qu'elles viennent, font toutes aussi mal et c’est ce dont parle mon album. Si, à travers mon témoignage, je peux partager ce que j’ai traversé et du coup, en aider d’autres, ce sera bien. « Battle Scars » parle du fait de continuer à y croire, à lutter et s’en sortir. A ce vétéran, je lui ai ajouté que je portais véritablement des cicatrices sur mon corps dues à ce que j’avais traversé physiquement. Ce même vétéran m’a répondu et s’est alors excusé.
Qu’est-ce que t’a fait tenir dans les pires moments ?
Je veux rendre à tous ceux qui m’ont écrit, soutenu (ses fans ont participé à réunir des fonds pour sa transplantation du foie du 26 mai 2014), tout ce qu’ils m’ont donné et ce, en jouant pour eux, en donnant le meilleur de moi, en témoignage de ma reconnaissance.
Ma femme (Marie, qui est aussi son manager) m’a lu des messages de soutien quand j’étais au plus bas et quand elle m’a, par exemple, lu ce message d’un homme qui me disait qu'écouter l’un de mes morceaux l’avait sauvé de son envie de se suicider, ça m’a aidé et donné la volonté de me battre, de m’en sortir. Tu sais, ce n’est pas facile et le premier morceau de l’album, « Almost Gone » parle de ça, du fait de voir tes proches, les médecins, qui essaient de leur mieux de faire bonne figure, d'avoir des paroles rassurantes mais quand tu devines dans les yeux de ta femme, qu’elle redoute le pire, c’est dur. La volonté m’a soutenu: je ne voulais pas m’arrêter là, je voulais continuer mon chemin, rejouer et je voulais voir mes enfants grandir, vieillir aux côtés de ma femme, comme je le lui avais promis quand je l’ai rencontrée.
Quand tu as pu à nouveau composer, jouer, il me semble que « Omaha » a été le premier titre? (morceau nommé en référence à l’endroit où la transplantation du foie, a eu lieu)
J’avais en tête la mélopée de « Omaha » et même si je ne pouvais pas parler, m’exprimer, ni me tenir debout, juste rester étendu sur mon lit lors de mon hospitalisation, elle était dans ma tête. Dès que j’ai pu bouger à nouveau, après la transplantation, que mes forces sont petit à petit revenues, tout est sorti comme un flot: j’ai composé six titres en cinq heures et l’album complet en à peine deux jours; ça a jailli en un flot ininterrompu.
Cette renaissance, cette chance qui m’a été donnée de vivre à nouveau, me fait voir que la vie est magnifique et d'avoir traversé ça, m’a donné une leçon, celle qu’il faut la savourer l’instant et relativiser les petites choses qui nous gachent la vie et ne sont pas importantes au final.
Aujourd'hui, je veux être un meilleur homme, un meilleur père, un meilleur guitariste et compositeur : je sais la chance que j'ai d’être vivant et je me sens avoir à nouveau 15 ans. Je suis très excité par mon nouvel album « Battle Scars », par ma vie, par ma musique. Comme un témoignage, je souhaite qu’il puisse montrer aux gens qui doivent faire face à quel que moment dur que ce soit et qu’il est possible de s’en sortir.
Quand as-tu pu jouer de la guitare à nouveau ?
En rentrant à la maison après la transplantation, je ne pouvais absolument pas me servir de mes doigts, je n’avais pas de force et je ressentais quand je voulais presser les cordes, combien ça faisait mal ; je me suis même demandé comment j’avais pu un jour jouer avec autant de facilité, vu que là, je ressentais la douleur au bout de chaque doigt de simplement appuyer sur les cordes. Mais j’ai persévéré même si je n’avais pas de force dans les mains, les avant-bras, et petit à petit, en m'entrainant, c’est revenu, j’ai pu rejouer et retrouver ce plaisir dont je te parlais, que j’avais de jouer, adolescent.
Quels sont tes critères quand tu composes ou joues ?
Quand je compose, joue de la guitare, chante, c’est avant tout pour susciter une émotion et je suis critique envers ce que je fais, dans le sens où quelle que soit la forme d’art, il faut, à mon avis, que cela suscite une émotion, sinon ce n’est pas de l’art, juste de la technique, qui, seule et aussi bonne soit-elle, devient vite ennuyeuse. Et c’est valable dans tout art dont bien sûr, la musique: quand tu prends les Blues Men, leur technique n’est pas parfaite, mais l’émotion qu’ils procurent, est unique.
Dès mes 6 ans, je savais que j’avais un don pour quelque chose, je me sentais artiste, mais je ne savais pas dans quel domaine: j’ai essayé de dessiner sans succès, j’écrivais des poèmes, je me baladais toujours avec un carnet pour noter mes idées, j’ai aussi rejoint une école où il y avait des cours de théâtre et j’ai réalisé que j’aimais être sur scène; alors, en fait, ce que je fais, ma musique, rassemble avec bonheur tout ce que j’aime : les textes, la scène et jouer, composer.
Quand mon frère a ramené une guitare, ça a été la révélation, je savais, dès que je l’ai eue dans les mains, que c’est pour ça que j’étais doué: j’ai vite appris, monté mon premier groupe à 15 ans et c’est fou ce qu’on peut s’éclater à cet âge à jouer dans un simple garage. Plus tard, dès 17 ans je me suis produit dans les bars et rejoint un groupe, tourné, mais par contre dès cet âge, tu es confronté aux excès dont la drogue, la boisson et la sensation que j’avais à 15 ans, s'est mise a changer: ce n'était plus fun. Je suis sorti de ces excès depuis longtemps, mais là, cette renaissance avec « Battle Scars », fait que je ressens à nouveau ce plaisir que j’avais en jouant à mes tous débuts.
Les morceaux clés abondent dans ton nouvel album, dont “Omaha”, “Almost Gone”, “Gonna Live Again” ou encore, « My Ship Came In »: à quoi ce dernier titre est-il lié ?
Au fait que le label Provogue (qui l’a signé et soutenu dès ses débuts en solo avec son groupe Walter Trout Band, en 1989) avait tout préparé pour célébrer mes 25 ans de carrière solo, une biographie a été écrite, une réédition en vinyle des mes albums devait sortir, un film même sur ma vie devait sortir lui aussi et cerise sur le tout, une grande tournée était planifiée pour célébrer ces 25 ans: en somme, 2014 devait être l’'année Trout", mais à cause des événements dans ma vie, il a fallu tout annuler au tout dernier moment: d’où ce titre en argot anglais, « My Ship came In », qui veut dire que tu as 'gagné le gros lot', mais là, ‘le gros lot’, le ‘bateau (Ship)’ était reparti sans moi.
Pourquoi la tournée de ton retour ne passe pas par la France, en novembre? C’est pourtant la partie européenne de ta grande tournée, qui avoir lieu ?
La partie européenne de la tournée («’I’m Back Tour’) passe effectivement par pas mal de pays mais c’est vrai, pas la France cette fois, mais je garde bon espoir que ce soit faisable pour la seconde, l’été 2016: j’aime jouer en France.
Nous aussi, on l'espère! Merci pour cette interview et cet album: welcome back ! :)
Merci à toi et à tous !
En attendant, ruez-vous sur "Battle Scars", un grand album poignant et énergétique au possible de ce 'vétéran' de la scène Blues / Boogie aux 50 années de bons et loyaux services au compteur et de retour d'un voyage en enfer !